English below.
Par Amélie Blaustein Niddam.
Le collectif Kor’sia est composé des chorégraphes Antonio de Rosa et Mattia Russo et des deux directeurs artistiques associés Giuseppe Dagostino et Agnès López-Rio. Il s’empare une nouvelle fois, après Somiglianza qui était une réinterprétation de L’après-midi d’un faune, d’un ballet classique pour le faire entendre aujourd’hui. Une ode à l’amour 2.0 où la bienveillance est reine.

Who’s that girl?
Pendant l’entrée du public surgit devant le rideau (oui un rideau, au Théâtre national de Chaillot !), un personnage plus qu’étrange. Nous pensons que cette poupée cadavérique que nous croyons faite de cire est Giselle, l’héroïne romantique par excellence, celle qui en 1841 a mis le pas de deux amoureux au centre des ballets. Sinon, pourquoi le collectif aurait-il donné ce titre à cette pièce ?
Et bien ce n’est pas là que se trouve Giselle. D’ailleurs, existe-t-elle encore ? Cela fait bien longtemps que la belle paysanne n’est plus amoureuse d’Albrecht pour qui elle danse éperdument. Bien longtemps qu’elle a arrété de perdre la raison et de se suicider pour cet homme qui en a choisi une autre ! Nous sommes déjà demain et pour Kor’sia l’avenir est dans l’intelligence artificielle.
Pas de deux pluriels.
Non, vous ne saurez rien de la poupée, ce serait trop facile ! Sachez juste qu’une petite voix vous accompagne pendant tout le spectacle, toute droite sortie des manuels de coaching personnel. Elle nous dit :
“ (…) Dans la vie, il n’y a pas de certitude absolue, pas de garantie de notoriété. On a le droit de manquer d’assurance,de ressentir de la douleur. Car, c’est cela, la maladie douce-amère de la vie. On ne peut éviter la douleur ou la perte, mais on peut choisir sa posture (…) ”
Et c’est exactement cela que les danseurs et les danseuses vont faire : choisir leur posture.
Mattia Russo, Antonio de Rosa, Agnès López-Río, Giulia Russo, Astrid Bramming, Angela Demattè, Claudia Bosch, Gonzalo Álvarez, Jerónimo Ruiz et Benoît Couchot se presentent à nous sur un terrain de golf qui aurait pu pousser sur une autre planète. Il est rose-layette, entouré d’une toile où une montagne est peinte. Eux sont habillés comme des collégiens américains. Ils et elles portent des jupettes très courtes ou des shorts et des chemises blanches. Ils et elles laissent deviner des dessous super colorés. Les genres sont un non sujet. Les garçons peuvent être en jupe et avoir des cheveux longs et les filles l’inverse. Et ça dans la V1 de Giselle en 1841, c’était non !
A ce moment-là, vous commencez à vous impatienter et vous vous demandez bien quel est le rapport entre des jeunes étudiants allant au golf et le ballet de Jean Coralli et Jules Perrot ? Et bien la musique d’Adolphe Adam déjà ! Puisque nous l’entendons, qu’elle est là comme un rappel à l’ordre, lyrique et dramatique ! Non, les rapports amoureux ne sont pas plus simples en 2022 qu’en 1841, ils sont autres, et autrement compliqués.
Alors, le groupe se croise, cherche l’amour en grosses lettres roses sur un ordinateur. Ils et elles se repèrent, par deux, par trois au milieu des autres. Ils ouvrent grands leurs pas, creusent leurs dos, elargissent leurs épaules à l’extrême pour espérer se rencontrer.
Les uns dans les autres.
Ce qui fait l’originalité de ce ballet, c’est son écriture entre deux mondes. Les codes classiques sont là, mais ils sont décalés. Les portés sont détournés dans des entrelacements brillants des corps où l’un a totalement besoin de l’autre, pour l’enjamber, pour se glisser en dessous ou pour être renversé (à tous les sens du terme).
Les corps de chacun sont ici traités comme des trésors, la douleur se concentre seulement dans les émotions. Les références au yoga sont très nombreuses. On voit une salutation au soleil complète, et à un autre moment, tout le groupe s’asseoir en tailleur pour une médiation.
Mais attention ! Ce Giselle a plutôt du rythme malgré une deuxième partie moins forte que la première, finalement assez répétitive du point de vue de l’écriture chorégraphique. Les surgissements des corps qui bondissent, qui agissent chacun pour soi, cela est brillant.
Il y a également un beau travail réalisé sur les croisements de lignes. Rien de révolutionnaire néanmoins. On peut aussi relever une tendance qui devient très forte dans la danse, celle de s’amuser des codes des dystopies des séries netflix. On a vu cela récemment chez Mercedes Dassy ou cherish menzo par exemple.
Ce qui sauve cette Giselle là du classicisme, c’est qu’elle ne se prend plus au sérieux. Elle est sans genre, sans préférence sexuelle, sans couleur de peau particulière. Elle est enfin universelle, enfin libre de danser avec qui elle veut !
Giselle, the ‘Bitter Sweet Symphony’ from the collective Kor’sia.
The collective Kor’sia comprises choreographers Antonio de Rosa and Mattia Russo and associate artistic directors Giuseppe Dagostino and Agnès López-Rio. Following Somiglianza, which was an interpretation of The Afternoon of a Faun, it has again brought a classical ballet to today’s audience. An ode to love 2.0 where kindness reigns.
Who’s that girl?
As the audience enters, a strange character springs out from behind the curtain (yes, a curtain at Théâtre National de Chaillot!). We think that this deathly doll, perhaps made of wax, is Giselle, the ultimate romantic heroine, who made courtship pas de deux central to ballet in 1841. Otherwise, why has the collective given this piece her name?
But Giselle isn’t there. Does she even exist anymore? The beautiful peasant girl long fell out of love with Albrecht, for whom she danced so desperately. She long stopped losing her mind and her life for a man who picked another woman! Tomorrow has come and for Kor’sia the future lies in artificial intelligence.
Multiple pas de deux.
No, you won’t find out anything from the doll, that would be too easy! Just know that a small voice accompanies us throughout the show, straight out of the self-help books. It tells us:
” (…) In life, nothing is certain, nothing is given. It’s normal to lack self-confidence, to feel pain. Because that’s the bittersweetness of life. We can’t avoid pain or loss, but we can choose how we deal with it (…) “
And that’s exactly what the dancers are going to do: choose how they deal with it.
Mattia Russo, Antonio de Rosa, Agnès López-Río, Giulia Russo, Astrid Bramming, Angela Demattè, Claudia Bosch, Gonzalo Álvarez, Jerónimo Ruiz and Benoît Couchot appear to us on a golf course that could have popped up on another planet. It’s baby pink and surrounded by a canvas with a painted mountain. They’re dressed like American college students. They wear miniskirts or shorts and white shirts. They reveal brightly coloured underwear. Genders aren’t an issue. Boys can wear skirts and have long hair and girls the opposite. And that was a no-no in the first version of Giselle back in 1841!
At that point, you start to get impatient and wonder what kids playing golf have to do with the ballet by Jean Coralli and Jules Perrot? Well, Adolphe Adam’s music for a start! It sounds like a wakeup call, lyric and dramatic! No, relationships aren’t easier in 2022 than in 1841, they’re different and complicated in other ways.
The group then comes together, looking for love in big pink letters on a computer. They find their way, in twos and threes, in the middle of the others. They take bigger steps, arch their back and broaden their shoulders to the extreme in the hope of meeting each other.
Interconnected.
What makes this ballet so original is that it falls between two worlds. The usual conventions are there but upside down. The lifts are brilliantly converted into interlaced bodies, with one wholly dependent on the other, to straddle, slide underneath or be upturned (in every sense of the word).
All bodies here are treated like treasures with pain concentrated only in the emotions. There are many references to yoga. We see a salute to the sun and later the whole group sits cross-legged for meditation.
But watch out! This Giselle has got rhythm despite the second half being weaker than the first and ultimately quite repetitive in the choreography. The sudden leaps, with each body doing its own thing, are brilliant.
There’s also some good work done on interconnected lines. But nothing revolutionary. We can also spot a growing trend in dance: having fun with the conventions of Netflix dystopian series. That was seen recently from Mercedes Dassy or Cherish Menzo, for example.
What saves this Giselle from classicism is that she no longer takes herself seriously. She is genderless with no sexual preference or particular skin colour. She’s finally universal and free to dance with whoever she wants!