English bellow.
Par Amélie Blaustein-Niddam.
Sharon Eyal clôt son triptyque sur l’amour, avec Chapter 3 : The brutal Journey of the Heart. Lourde impression de déjà-vu et d’épuisement du regard. L’amour ne peut-il pas durer plus de 30 minutes ?
Passion.
Tout commence pourtant très bien. L’amour, ça commence toujours très bien. Il y a d’abord un danseur seul, comme d’habitude, qui arrive avant d’être rejoint par les autres. Comme toujours, Sharon Eyal met les danseurs et les danseuses sur demi-pointe, le dos super cambré. La posture est déséquilibrée, ardue. Ce geste est la base de toute son écriture. On la retrouve souvent dans ses spectacles, de l‘Après-midi d’un faune au récent Saaba. Pour ce Chapter 3, succédant donc au sombre OCD Love en 2016 et le viscéral Love Chapter 2 en 2018, la chorégraphe israélienne retrouve Maria Grazia Chiuri de la Maison Dior pour les défilés, qui pare les corps d’académiques en dentelles, couleur chair.
Au début, c’est éblouissant, tout feu tout flamme. L’alliance du classique et de la pop culture fonctionne à merveille. Clyde Emmanuel Archer, Darren Devaney, Edit Domoszlai, Guido Dutilh, Juan Gil, Alice Godfrey, Dana Pajarillaga et Keren Lurie Pardes arrivent par grappes, dans des lignes très maîtrisées. Ils et elles se lancent, se croisent et se décroisent dans une chaloupe métronomique et ultra déhanchée. Là où c’est super cool, c’est que leurs mouvements clairement empruntés à la danse classique se font au rythme de la musique live de Ori Lichtik qui va de la folk ( Simply are de Arto Lindsay) au rock des années 50 (Pee Wee Hughes).
Routine.
Et puis, une fois le cœur, d’ailleurs dessiné sur les costumes, est atteint dans un rassemblement du groupe qui bat comme un seul organe, tout s’écroule. C’est la descente vers la routine du petit quotidien qui nous épuise. Les grands pliés ne nous font plus aucun effet, les dos cambrés à l’excès ne nous amusent plus. La virtuosité devient vaine, comme si elle cherchait à nous séduire encore, comme si elle voulait sauver l’amour perdu depuis longtemps, depuis que quelques secondes auparavant, dans un brasier rouge les épaules désaxées, les têtes fières, les poignets cassés et les doigts en dentelles, tous et toutes étaient une sculpture. Un monument à l’amour.
Tous et toutes oui car dans le travail d’Eyal, le genre est aboli tout en différenciant les hommes et les femmes. Les courbes et les lignes sont les mêmes pour tous et toutes. Mais, contrairement aux précédents travaux de la disciple d’Ohad Naharin, le sex appeal est complètement absent de ce Chapter 3. Les relations ne sont pas réelles. Eyal utilise tous les outils classiques pour les détourner, pour pousser les danseurs dans une physicalitée que le ballet explore normalement peu. Cela est louable, mais cela ne suffit pas à nous faire tomber amoureux.
Au Théâtre national de Chaillot. Jusqu’au 1er octobre. Vendredi 23 , Mardi 27, Mercredi 28 et Vendredi 30 à 20h30, samedi 24 et jeudi 29 à 19H30. Le samedi à 17h00.
Réservations ici.
Photographie © Stefan Dotter – pour Dior.
Sharon Eyal’s long ode to love.
Sharon Eyal ends her triptyque on love with Chapter 3: The Brutal Journey of the Heart, leaving an overriding impression of familiar, tired interpretations. Can love last longer than thirty minutes?
Passion.
Yet everything starts well. Love always starts well. First, there’s a dancer alone on stage, as usual, before being joined by others. As always, Sharon Eyal puts the male and female dancers on demi-pointe, backs noticeably arched. The posture is unbalanced, taxing. The movement is the basis of all her work. We often see that in her shows, from Afternoon of a Faun to the recent Saaba. For this Chapter 3, following the sombre OCD Love in 2016 and the visceral Chapter 2 in 2018, the Israeli choreographer reunites with Dior’s Maria Grazia Chiuri, who dresses the dancers in flesh-coloured lace.
The beginning is dazzling, fired with passion. The blend of classical and pop culture works wonderfully well. Clyde Emmanuel Archer, Darren Devaney, Edit Domoszlai, Guido Dutilh, Juan Gil, Alice Godfrey, Dana Pajarillaga and Keren Lurie Pardes arrive in clusters, in tightly controlled lines. They throw themselves forward, linking and unlinking in a metronomic and highly contrapposto sway. Most appealingly, movements clearly borrowed from classical dance are performed to the rhythm of live music from Ori Lichtik, which spans folk (Arto Lindsay’s Simply Are) to 1950s rock (Pee Wee Hughes).
Routine.
And then, once the heart, which also features on the costumes, swells in a group motion that beats like one organ, everything collapses. It’s the descent towards the daily grind that exhausts us all. The grands pliés no longer have any effect, the overarched backs fail to amuse. Virtuosity becomes vanity, as if it were trying to impress us more, as if it wanted to save long-lost love, since a few seconds earlier, in a red blaze, shoulders out of alignment, heads held high, fists clenched and fingers interlaced, everyone was a sculpture. A monument to love.
Yes, everyone as in Eyal’s work, gender is abolished whilst differentiating between men and women. The curves and lines are the same for all. But, unlike previous works from Ohad Naharin’s disciple, sex appeal is totally lacking in Chapter 3. The relationships aren’t real. Eyal employs all the usual tools to hijack them, to push the dancers into a physicality that ballet seldom explores. That’s laudable but not enough to make us fall in love.