Alexeï Ratmansky, anciennement directeur du ballet du Bolchoï, évoque ses scènes de bataille pour la paix en Ukraine et ses danseurs.

English bellow.

Par Maria Sidelnikova.

L’un de plus grands chorégraphes de nos jours, anciennement directeur artistique du ballet du Bolchoï et désormais artiste résident de l’ABT Alexeï Ratmansky, s’est glissé depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie dans un tout nouveau rôle, et offre à Ex Movere sa première prise de parole à un média français. Il a depuis réuni le monde du ballet sous le drapeau ukrainien. Portrait.

L’humanisme de Tchaïkovski.

Nous sommes à Munich. Alexeï Ratmansky répète ici, au Bayerische Staatsoper son nouveau ballet Tchaikovsky Overtures. La compagnie, qu’il connait plusieurs années, est dirigée aujourd’hui par Laurent Hilaire, anciennement Etoile de l’Opéra de Paris et directeur du Théâtre musical de Stanislavski, parti de Moscou, lui aussi, en raison de la guerre. La première sera donnée la veille de Noël, le 23 décembre. Une soirée entière de ballets symphoniques sur la musique de Tchaïkovski que Ratmansky a tant chorégraphié partout dans le monde et que la propagande du Kremlin tente de présenter comme victime du « canceling de la culture russe » en Europe. Pourtant il est bien là. « Nous avons changé juste un petit fragment. C’est le chant de Roméo et Juliette, qui à l’origine est en russe et qui sera chanté en allemand, – explique Alexeï Ratmansky, pesant bien ses mots.

Honnêtement, je ne comprends pas de quel droit Poutine et ses partisans peuvent s’approprier Tchaïkovski ?  Par quels droits sa musique appartient à eux et non pas à ceux qui sont contre la guerre ? Depuis très longtemps elle appartient au monde, l’humanisme de Tchaïkovski est complètement opposé à ce que représente l’état russe avec ses menaces à la civilisation. Et ce canceling des artistes qui se prononcent contre la guerre, c’est bien la Russie qui l’incarne en censurant et interdisant leurs œuvres ». Le ballet, il est prêt à en parler des heures, mais depuis plus de neuf mois c’est un autre langage qu’il a fait entrer au répertoire de ses interviews. 

Le 24 février, date sans retour.

Février, 2022. Alexei Ratmansky est à Moscou, sur la dernière ligne droite pour l’Art de la fugue de Bach au Bolchoï, une création ambitieuse de deux actes, l’un des piliers de la saison. La première, prévue pour le 30 mars, approche à grands pas. La guerre aussi. « Nous habitons, avec ma femme Tatiana et mon fils à New York depuis des années et ces derniers mois le président Joe Biden répétait chaque jour que la guerre se prépare, qu’ils possèdent des preuves crédibles. Je n’arrivais pas à y croire, mais nous comprenions qu’il ne peut pas mentir – se souvient Alexeï Ratmansky, ressortissant des États-Unis et de l’Ukraine, son passeport russe il s’en est débarrassé à la fin de son contrat de directeur artistique du ballet du Bolchoï. Il poursuit : « Avant d’aller à Moscou, à peu près un mois avant la guerre, j’ai annoncé clairement à la direction du Bolchoï que si jamais il arrivait quelque chose, je fermerais le projet et je partirais immédiatement. Ils m’ont persuadé que tout allait bien. Mais il suffisait d’allumer la télé russe pour prendre conscience, que le pire était devant nous. J’étais en désarroi, déchiré entre l’obligation de finir le ballet et toute cette situation lourde autour ».

Il est parti le jour même, le 24 février, sans déclaration, tout en faisant bien comprendre qu’il tourne définitivement la page. « Il m’est toujours difficile de trouver les mots justes pour m’exprimer – avoue Ratmansky, – mais dans l’avion je me rendais compte que tout ce qui me lie moi, ma vie et mon travail avec le Bolchoï et Mariinsky, s’effrite, se ferme et disparait ».

Ukraine-Russie : le grand pas de deux de sa vie.

Sa mère est de Leningrad, Saint-Pétersbourg aujourd’hui. Son papa est de Kiev. Une famille mélangée, comme la plupart des familles soviétiques. Ils se sont mariés et ont vécu toute leur vie à Kiev. Alexeï Ratmansky et sa sœur sont nés à Leningrad, mais ont aussi grandi à Kiev. A 10 ans il entre à l’Académie de chorégraphie de Moscou, l’école du Bolchoï. Ensuite il fait ses études de chorégraphe au GITIS, Institut d’État d’art théâtral. Entre temps, il danse en tant que soliste à l’Opéra de Kiev. En 1992 changement la direction : Ratmansky part d’abord au Canada, au Royal Winnipeg Ballet, puis en Danemark, au Ballet royal danois, mais garde tout de même des liens forts avec la Russie et l’Ukraine, où il danse et surtout se fait sa main de chorégraphe. Il multiplie les ballets pour l’entreprise de Nina Ananiashvili, pour le Bolchoï et le Mariinsky, qui connaissent un grand succès auprès du publique et de la critique. La nomination à la tête du ballet de Bolchoï (2004-2009) vient comme une évidence.  Sa direction courte était artistiquement productive marquée par l’enrichissement du répertoire avec notamment Le Ruisseau limpide , Bolt, Illusions perdues, Flammes de Paris et les tournées à New-York, à Londres et à Paris, mais tendue sur le plan personnel. « On entend souvent que le Bolchoï n’est pas une place pour les expérimentations, et pourtant en tant que chorégraphe j’en avais précisément besoin », – m’avait dit Alexei en 2008 dans une interview pour le quotidien Kommersant avant de partir aux les Êtas-Unis. Une place d’artiste et chorégraphe en résidence de ABT l’y attendait déjà. Aujourd’hui il revient à ces années moscovites avec un regard rétrospectif des plus critiques :

« Bien sûr, la plupart de mes ballets sont chorégraphiés sur des musiques russes. Ils ont des sujets russes et je suis un pur produit de l’école du ballet russe. Mais maintenant je me rends compte que toutes ces années j’essayais de dégager en vain l’héritage de l’époque soviétique, pendant lequel l’école a été brisée. De là vient mon intérêt pour les reconstitutions des textes originaux de Petipa ainsi que des premiers ballets soviétiques, bannis par l’idéologie ».  

La prise de position et la censure.

Lui, est à New York. Sa famille, ses proches sont en Ukraine. Ses ballets inachevés sont en Russie…. Quelque temps après son départ silencieux, Alexeï Ratmansky fait son retour sur le devant de la scène, cette fois politique. Sur sa page Facebook il récolte et publie les messages contre la guerre. Mats Ek, Isabelle Guérin,  Millicent Hodson et Kenneth Archer, Ludmila Pagliero, Jean-Christophe Maillot, Paul Lightfoot, David Hallberg …la liste est longue et belle. Les plus grandes figures de la danse dénoncent à l’unisson cette violence. 

Une correspondance se joue également en coulisses. Ratmansky a requis de la direction du Bolchoï et du Mariinsky – propriétaires des licences à durées limitées, mais encore valables – de suspendre ses ballets. « Au début de la guerre ils ont encore essayé de jouer avec les anciennes règles civilisées. Quand j’ai demandé de ne pas mettre mes ballets aux répertoires, ils me l’ont promis. Maintenant tout est fini, aucun accord ne tient. Sous la directive du Ministère de la culture, ils ont effacé mon nom de chorégraphe et les spectacles sont maintenus sous le nom de « la version scénique du Bolchoï ou du Mariinsky ». Ils ont volé mes ballets et ils continuent à les danser ».   

Le Bolchoï ne donne pas de commentaires. Les artistes non plus ne savent pas quoi dire, même en off. Pour l’Ukraine Ratmansky est devenu un héros, pour la Russie – un traitre.

 « Chaque fois quand j’ai des échos d’accusation venant de la Russie, j’ai envie de leur demander : pensez-vous vraiment avoir agi différemment à ma place ? – s’interroge il, – Je suis Kiévien, citoyen et patriote de l’Ukraine. Et en même temps je suis lié avec la Russie. J’ai mon nom, donc tout naturellement, je me sentais responsable. La responsabilité de ne pas garder le silence. Je n’ai reçu que deux-trois lettres de la part des artistes dont j’étais proche. Ils ont supporté mes démarches et écrit à quel point ils sont dégoutés par cette guerre. Le reste des réponses était soit neutre, soit abominable et très rude, – avoue avec le regret Ratmansky et il ajoute – Les gens ont tendance à chercher des échappatoires morales pour justifier ce qui se passe, pour ne pas être ouvertement contre la guerre ». 

Je me demande à ce moment s’il comprend à quel point c’est dangereux, voire impossible de t’exprimer si tu te trouves en Russie et y travaille ?

L’art et la politique. 

« C’est une décision personnelle et nous avons toujours le choix, – répond-il – Je reste persuadé que les artistes ne comprennent pas ce qui se passe réellement. L’art est hors politique – c’est l’un des arguments principaux qui offre un certain calme. Mais la guerre ce n’est pas la politique. La guerre c’est la vie et la mort. Ce sont les bases morales et humanistes. Sois-tu es pour la vie, soit pour la mort »

Cela signifie-t-il que vous considérez les gens qui continuent à travailler au Bolchoï ou dans un autre théâtre d’état, comme des soutiens de la guerre ?  

« Leurs impôts, mais aussi les recettes théâtrales contribuent aux meurtres d’Ukrainiens. Même si ce n’est pas leur volonté. C’est un fait. Tous les habitants de la Russie sont tombés dans un piège.  Je ne veux juger personne, chacun a ses circonstances.  Mais vous ne pouvez pas être entre les deux. Vous êtes soit d’un côté, soit de l’autre. Il s’agit d’une situation extrême dans laquelle une personne doit faire son choix. Mais le silence, du moins le silence, serait un meilleur choix. Si les gens continuent de montrer sur leurs réseaux sociaux que la vie est belle, que tout se poursuit comme avant, c’est très mauvais et désagréable d’un point de vue moral. Quand on dit que l’art est hors de la politique, on préfère ne pas apercevoir la guerre et la catastrophe. L’art n’a jamais été hors de la politique, nulle part dans le monde et surtout en Russie. En gros, ni à Moscou, ni à Saint-Pétersbourg rien n’a changé. Ils vivent, dansent, reçoivent des fleurs. La vie artistique est devenue un peu plus âpre, c’est vrai, car ils sont privés de tournées, qui jouent un rôle très important pour les danseurs. Et il existe un petit risque de tomber dans la défaveur de la direction et être mobilisé. Pour l’instant je ne connais pas de tels cas au Bolchoï ou au Mariinsky, mais on en a connu à l’époque soviétique. Peut-être c’est l’étape suivante, on ne peut pas savoir. Tout repart en arrière à une vitesse pharamineuse »

Combien d’artistes ont quitté la Russie depuis le mois de février ?  Nous n’avons pas de statistique officielle et c’est peu probable qu’on les aura un jour.

Ce sont les danseurs étrangers qui ont quitté de Bolchoï et de Mariinsky les premiers. Puis certains artistes d’origine ukrainienne. Les autres restent, comme la fameuse « Tzarine » Svetlana Zakharova, née à Loutsk et ayant étudié à Kiev. Contrairement aux metteurs en scène, aux compositeurs, aux écrivains et aux musiciennes, leurs noms ont d’ailleurs aussi été effacés de partout, il n’y a pas eu d’exode dans le milieu de la danse. Olga Smirnova, la prima du Bolchoï, qui est partie immédiatement pour Amsterdam, reste un cas unique. Et Alexeï Ratmansky salue son courage. Était-t-il sollicité par les danseurs russes pour les aider à s’en aller ? Il répond – oui. « Mais je préfère principalement aider les danseurs de l’Ukraine, parce que leur situation est terrible et grave ».  

The United Ukrainian Ballet.

L’United Ukrainian Ballet est né malgré des circonstances difficiles. Au tout début du mois de mars, les artistes ou tout jeunes diplômés de Kiev, Kharkov, Odessa, Lviv ont trouvé refuge à la Haye sous les ailles d’Igone de Jongh, l’ancienne étoile du Ballet National de Hollande. C’est elle qui a demandé à Ratmansky de leur prêter sa Giselle. Paul Godfrey, un producteur averti, a trouvé un créneau libre au London Coliseum. Birmingham Royal Ballet a donné les costumes, l’English National Opéra – son orchestre. « Ce n’est pas une compagnie, juste un groupe de gens qui se sont retrouvés par un malheureux hasard ensemble, – explique Ratmansky, – Le travail n’était pas facile :  les danseurs ont des niveaux différents, puis la pandémie n’est pas passée inaperçue. De plus il faillait gérer les questions logistiques, faire venir les garçons d’Ukraine avec des permissions spéciales, c’est interdit de partir pour les moins de 60 ans.  Mais nous avons eu beaucoup de soutiens, de gens qui ont été de tout cœur avec nous – Vladimir Malakhov, Guillaume Gallienne et d’autres. En travaillant avec ma femme Tatiana sur Giselle, nous comprenions que nous faisions en ce moment quelque choses d’importants pour l’Ukraine, l’argent récolté était destiné aux aides. A la première nous étions tous sur la scène sous les drapeaux ukrainiens et en train de chanter l’hymne. C’était très émouvant ». 

La renaissance de la culture ukrainienne.

L’art ne peut pas être apolitique – insiste bien Alexeï Ratmansky, enveloppant les artistes en drapeaux bleu et jaune à chaque final de sa Giselle, qui est en tournée depuis, la prochaine étape est à Washington.  Comment regarder la scène à travers le brouillard de la guerre ? « Nous avions eu aussi des doutes, – admette il, – car ce n’est pas un show politique, ce sont des artistes magnifiques, avec beaucoup de liberté dans leur façon de danser et de l’humour qu’ils arrivent à garder même en ces temps tragiques, et nous voulions le montrer sans décote. Mais en fin de compte nous nous sommes mis d’accord que les drapeaux et l’hymne donnent de l’énergie et de la fierté pour l’Ukraine, pour cette nation héroïque et unique, qui a rompu ses liaisons avec la Russie impériale et soviétique » 

Les occidentaux mettaient tout le monde dans le même panier « les Russes », merci à Diaghilev.  Cette étiquette était collée même aux plus grands, Vaslav Nijinski et Serge Lifar. Ratmanky est persuadé que l’heure de repenser l’histoire est venue : « C’est une poussée tragique pour la renaissance de la culture ukrainienne. Elle doit reprendre sa place qu’elle n’a pas eu, car toute la culture en dehors de l’USSR a été considérée comme russe.  Quand on montrait sa voix pour se revendiquer on était tout de suite fiché nationaliste. Les années 1910-20 du XX siècle c’était l’âge d’or de la culture ukrainienne, de son modernisme qui a été détruit. Je suis sûr que sur cette base devraient naître de belles pousses quand la guerre sera finie ».  

Alexei Ratmansky, former director of the Bolshoi Ballet, reveals his fight for peace in Ukraine and his dancers.

One of the greatest choreographers of our time, former artistic director of the Bolshoi Ballet and now ABT resident artist, Alexei Ratmansky has stepped into a very different role since Russia’s invasion of Ukraine and is giving Ex Movere his first French media interview. He has since united the world of ballet under the Ukrainian flag. Profile.

Tchaikovsky’s humanity.

We’re in Munich. Alexei Ratmansky is rehearsing his new ballet Tchaikovsky Overtures here, at the Bayerische Staatsoper. The company, which he has known for years, is now led by Laurent Hilaire, previously leading dancer at Paris Opera and director of the Stanislavski Music Theatre, who also fled Moscow due to the war. The premiere will be held just before Christmas on 23 December. A whole night of symphonic ballets to the music of Tchaikovsky, who Ratmansky has choreographed extensively across the globe and who Kremlin propaganda is trying to present as a victim of Europe’s ‘cancelling of Russian culture’. Yet he’s still here. “We’ve just changed a small fragment. It’s the song of Romeo and Juliet, which was originally in Russian and will be sung in German,” Alexei Ratmansky explains, choosing his words carefully. “Honestly, I don’t understand why Putin and his cronies think that they can lay claim to Tchaikovsky? What right do they have to his music over people who are against the war? It’s long belonged to everyone; Tchaikovsky’s humanity is totally opposed to what the Russian state represents with its threats to civilization. And Russia is cancelling artists who speak out against the war by censuring and banning their work.” He could talk about ballet for hours but has added another language to his interview repertoire in the last nine-plus months.

24 February, the point of no return.

February 2022. Alexei Ratmansky is in Moscow, on the final straight for Bach’s The Art of Fugue at the Bolshoi, an ambitious two-act creation, one of the highlights of the season. The premiere, scheduled for 30 March, is fast approaching. The war too. “I’ve lived in New York with my wife Tatiana and my son for years and President Joe Biden had been telling us every day for months that war was coming, that they have credible proof. I couldn’t believe it, but we understood that he wouldn’t lie,” Alexei Ratmansky remembers. A citizen of the US and Ukraine, he shed his Russian passport when his contract as artistic director of the Bolshoi Ballet ended. He continues: “Before going to Moscow, about a month before the war, I clearly told the Bolshoi’s directors that if ever something happened, I would close the project and leave immediately. They convinced me that everything was fine. But you just had to switch on Russian TV to realize that the worst was yet to come. I was in bits, torn between the obligation to finish the ballet and the events unfolding all around.”

He left that same day, 24 February, without making a statement but making it obvious that he wouldn’t be back. “I always struggle to find the right words to express my feelings,” Ratmansky admits, “but on the plane I realized that everything that tied me, my life and my work to the Bolshoi and Mariinsky was crumbling, eroding and disappearing.”

Ukraine–Russia: his lifelong partnership.

His mother is from Leningrad, now Saint Petersburg. His dad is from Kyiv. A blended family, like most Soviet families. They married and spent their entire life in Kyiv. Alexei Ratmansky and his sister were born in Leningrad but also raised in Kyiv. At the age of ten, he joined the Moscow State Academy of Choreography, the Bolshoi school. Then he studied choreography at GITIS, the Russian Institute of Theatre Arts. In the meantime, he danced as a soloist at Kyiv Opera. In 1992, he changed direction: Ratmansky left first for Canada, to the Royal Winnipeg Ballet, and then for Denmark, to the Royal Danish Ballet, but kept strong ties to Russia and Ukraine, where he danced and more importantly honed his skills as a choreographer. He staged several ballets for Nina Ananiashvili’s company at the Bolshoi and Mariinsky, which were huge critical and commercial successes. His appointment to the head of the Bolshoi Ballet (2004–2009) came as no surprise. His short spell at the helm was artistically productive, marked by additions to the repertoire, including The Limpid StreamBoltLost Illusions and Flames of Paris, and tours to New York, London and Paris, but was challenging on a personal level. “It’s often said that the Bolshoi isn’t a place for experimentation but as a choreographer that was just what I needed,” Alexei told me in 2008 in an interview for the daily Kommersant before leaving for the US. The position of ABT artist and choreographer in residence was already waiting for him. Today he looks back at those years in Moscow with a more critical eye: “Of course, most of my ballets are choreographed to Russian music. They have Russian subjects and I’m a product of the Russian ballet school. But now I realize that for all those years I was trying, in vain, to shake off the legacy of the Soviet era, when the school was broken up. That was what triggered my interest in reconstructing the original texts of Petipa as well as the first Soviet ballets, which were banned by the ideology.”

Political positioning and censorship.

He’s in New York. His family and loved ones are in Ukraine. His unfinished ballets are in Russia… Sometime after his silent departure, Alexei Ratmansky returned to the forefront of the scene, this time political. On his Facebook page, he compiled and posted anti-war messages. Mats Ek, Isabelle Guérin, Millicent Hodson and Kenneth Archer, Ludmila Pagliero, Jean-Christophe Maillot, Paul Lightfoot, David Hallberg… the list is long and prestigious. Leading dance figures unanimously condemned the violence.

He was also busy behind the scenes. Ratmansky demanded that the directors of the Bolshoi and Mariinsky — owners of time-limited but still valid licences — suspend his ballets. “At the start of the war, they again tried to play by the old, civilized rules. When I asked them not to put my ballets on the repertoires, they promised me. Now that’s all finished, no agreement stands. On the Ministry of Culture’s orders, they removed my name as the choreographer and the shows are going ahead under the banner of ‘Bolshoi or Mariinsky staging’. They’ve stolen my ballets and kept dancing them.”

The Bolshoi will not comment. The artists don’t know what to say either, even off the record. For Ukraine, Ratmansky has become a hero; for Russia, a traitor.

“Every time I hear accusations from Russia, I wanted to ask them: do you really think that you would have behaved differently in my shoes?” he asks. “I’m a Kievite, a citizen and patriot of Ukraine. And, at the same time, I’m bound to Russia. I have my name, so naturally I felt a responsibility. A responsibility not to stay silent. I’ve only had two or three letters from artists I was close to. They support what I did and wrote about how horrified they are by the war. All the other responses were either neutral or appalling and very harsh,” Ratmansky admits, with regret, and adds: “people tend to look for loopholes to justify what’s happening and not be openly against the war.”

I wondered then if he understands how dangerous, if not impossible, it is to speak out if you live and work in Russia?

Art and politics.

“It’s a personal decision and we always have a choice,” he replies. “I remain convinced that artists don’t understand what’s actually happening. Art is above politics that’s one of the main arguments that takes the pressure off somewhat. But war isn’t politics. War is life and death. There are moral and humanist grounds. You’re either for life or for death.”

Does that mean that you see people who keep working at the Bolshoi or another state-run theatre as supporters of the war?

“Their taxes, but also ticket proceeds, are funding the murders of Ukrainians. Even if that’s not their intention. That’s a fact. Everyone in Russia has fallen into a trap. I don’t want to judge anybody; everybody faces different circumstances. But you can’t be between the two. You’re either on one side or the other. This is an extreme situation in which you have to make a choice. But silence, silence at the very least, would be a better choice. If people keep saying that life is wonderful on social media, that everything is carrying on like before, that’s very bad and morally wrong. When you say that art is above politics, you prefer not to see war and disaster. Art has never been above politics anywhere in the world and especially not in Russia. Broadly speaking, nothing has changed in Moscow or Saint Petersburg. They’re living, dancing, giving flowers. Artistic life has become a bit tougher, that’s true, because they can’t tour, that’s a very important factor for dancers. And there’s a small risk of falling out of the directors’ favour and being mobilized. For the time being, I don’t know of any such cases at the Bolshoi or Mariinsky, but we experienced that in the Soviet era. Maybe that’s the next step, we can’t know. Everything is going backwards at a frightening speed.”

How many artists have left Russia since February? We don’t have any official statistics and we’re unlikely to get them one day. Foreign dancers were the first to leave the Bolshoi and Mariinsky. Then some artists of Ukrainian origin. Others stayed, like the famous ‘Tzarina’ Svetlana Zakharova, who was born in Lutsk and studied in Kyiv. Unlike the directors, composers, writers and musicians, whose names have also been widely erased, there was no exodus in the dance world. Olga Smirnova, the Bolshoi prima ballerina, who left immediately for Amsterdam, remains an isolated case. And Alexei Ratmansky commends her courage. Did any Russian dancers ask him to help them flee? He answers yes. “But I much prefer to help Ukrainian dancers because their situation is terrible and grave.”

The United Ukrainian Ballet.

The United Ukrainian Ballet emerged despite the difficult circumstances. In early March, artists or recent graduates from Kyiv, Kharkiv, Odessa and Lviv found refuge in The Hague under the wing of Igone de Jongh, former principal dancer with the Dutch National Ballet. She asked Ratmansky to lend them his Giselle. Paul Godfrey, an experienced producer, found a free slot at the London Coliseum. Birmingham Royal Ballet donated the costumes, English National Opera its orchestra. “It’s not a company, just a group of people who misfortune threw together,” Ratmansky explains. “The work wasn’t easy: the dancers have different levels of ability, then the pandemic made itself felt. Then we had to juggle the logistics, bring in guys from Ukraine with special permissions, men aged under sixty aren’t allowed to leave. But we’ve had lots of support, people who have stood with us — Vladimir Malakhov, Guillaume Gallienne and others. Working with my wife Tatiana on Giselle, we understood that we were doing something important for Ukraine, the money raised went to help the country. At the premiere, we were all on stage under Ukrainian flags and singing the anthem. It was very moving.”

The renaissance of Ukrainian culture.

Art can’t be apolitical, Alexei Ratmansky insists, wrapping the artists in blue and yellow flags at every final of his Giselle, which is now on tour and heading for Washington. How can we see the stage through the fog of war? “We had doubts too,” he admits, “as this isn’t a political show, these are incredible artists with a lot of freedom in their way of dancing and they’ve managed to keep their sense of humour even in these tragic times, and we really wanted to show that. But ultimately, we agreed that the flags and anthem stimulate energy and pride for Ukraine, for this unique and heroic nation that has broken its ties to imperial and Soviet Russia.”

Westerners put all ‘the Russians’ in the same basket thanks to Diaghilev. The label was even stuck on the greatest, Vaslav Nijinsky and Serge Lifar. Ratmansky is convinced that the time for rethinking history has come: “It’s a tragedy for the renaissance of Ukrainian culture. It needs to retake its rightful place as all culture outside the USSR has been seen as Russian. When anyone spoke out to claim it, they were immediately earmarked as nationalists. The 1910s and 1920s were the golden age of Ukrainian culture, of the modernity that has been destroyed. I’m sure that beautiful new shoots will grow from that stem when the war is over.”

Photographie © Karsten Moran pour le New York Times.