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Par Amélie Blaustein-Niddam.
Le tout nouveau directeur du Centre Chorégraphique National de Créteil et du Val-de-Marne offre un regard totalement renouvelé sur l’institution. En mettant à égalité le « mainstream » et l’élite, Mehdi Kerkouche ramène la danse à un acte populaire et enveloppant.
Dans une esthétique noire et blanche, Micheline Desguin, Matteo Gheza, Jaouen Gouevic, Lisa Ingrand Loustau, Shirwann Jeammes,Sacha Neel, Amy Swanson, Kilian Vernin et Titouan Wiener Durupt se mettent tranquillement en mouvement. Le geste est d’aujourd’hui. Tous et toutes bougent selon leurs identités. On sent immédiatement que le mouvement est collectif et égalitaire. Les jambes s’écartent, les hanches se creusent, les courbes sont profondes.
La musique de Lucie Antunes, lyrique et électronique, est un personnage à part entière de cette histoire. Oui, cette “histoire”. Car dans ce “Portrait” et de façon générale dans son travail depuis qu’il a été révélé en 2020 avec “Et si”, une commande d’Aurélie Dupont pour l’Opéra de Paris alors confiné, ce danseur et chorégraphe assume ses influences populaires.
Il affirme être “un enfant de la télé”. Et ses icônes se nomment Madonna, Michael Jackson, Mylène Farmer. Ses références sont ces grands moments où la danse porte une star à un niveau d’icône.
Néanmoins, la musique gagnerait à se taire un peu plus souvent pour laisser parler un peu plus les corps en dehors de leur énergie seule. Malheureusement, nous ne pouvons également taire notre interrogation face à la présence de Amy Swanson. Elle est une figure centrale de la danse contemporaine. L’héritière d’Isadora Ducan joue une figure tutélaire mais sa présence est trop décalée pour fonctionner. Alors que les “jeunes” danseurs et danseuses sont tous et toutes habillé.e. s de pantalons gris à pinces bien coupés, elle apparait en chemise sur une jupe, le tout blanc, de façon négligée. Son apparition qui devrait être douce n’apporte rien au spectacle. Sa danse est minimale et sa prise de parole tombe à plat.
En revanche, il est jubilatoire de voir un chorégraphe balayer les codes du classique et du contemporain. La pièce se tient, elle touche, elle vous embarque. Le travail sur les lignes et les rondes est parfaitement exécuté même si les portés devraient prendre plus d’ampleur pour dépasser la sensation de divertissement.
La construction de la pièce est celle d’un show à l’américaine ! Pour rappel, Mehdi Kerkouche est le chorégraphe d’Angèle. L’écriture est celle de la rue, des concerts et des clubs. On s’assoie, on s’embrasse, on danse à deux, on change de partenaire, on tombe, on se relève, on devient la reine du dance floor.
“Portrait” n’est pas une pièce virtuose, elle ne renouvelle pas la technique chorégraphique. Elle est tout le contraire, elle est un geste libre qui s’assume. Fluide, la pièce ressemble autant à un clip qu’à une série à binge watcher. Elle se regarde comme on scrolle sur son téléphone, sans lâcher l’écran, entre un plaisir coupable et une envie de tourner avec Matteo Gheza et de poser avec Kilian Vernin, qui sont tous les deux les révélations de ce “Portrait”.
Mehdi Kerkouche réussit à dessiner son portrait de famille, mais une famille de cœur, où tout le monde a le droit de bouger comme il le veut, sans contrainte et avec une bonne dose de sueur !
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Visuel © Julien Benhamou.