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Par Amélie Blaustein-Niddam.
Mellizo doble est un pas de deux aux accents de cabaret sévillan. Deux rois, l’un de la danse et l’autre du chant, Israel Galván et Niño de Elche s’amusent et nous amusent à transmettre leur flamenco augmenté. Pur chef d’œuvre.
Pour rappel, Israël Galván règne sur le flamenco contemporain depuis le début du siècle. Il fait flamenco de tout, des pianos comme des cercueils. On l’a vu, ces quinze dernières années, tout faire sur un plateau. En 2007, Israel Galván, dansait dans des cercueils pour La Edad de Oro à Boulbon. En 2017, un an après une terrible blessure, c’est à genoux qu’il descend les marches de la Cour d’honneur pour Fiesta, dans lequel Niño de Elche. En 2018, il danse au milieu des chats du cirque Romanès. Et depuis un an à Paris, on l’aura vu danser avec son double travesti, ou déambuler dans la chapelle de la La chapelle Saint-Louis de la Salpêtrière et dernièrement, en décembre, donner la réplique à l’immense Marlene Monteiro Freitas.
Il faut comprendre que Galván n’a rien à prouver. A 49 ans, il est en effet au sommet de la danse flamenco et compte bien y rester. A dire vrai, ses explorations sonores et physiques toujours à la pointe ne laissent aucun doute. Il est indétrônable !
Mellizo Doble se donne donc enfin à Paris après une première française à la Semaine d’art d’Avignon en 2020 qui était venue à l’automne remplacer le Festival annulé à cause du Covid. Il a déjà reçu un beau succès au Festival de Flamenco de Nîmes, il y a quelques jours.
Les spectateurs et les spectatrices du Théâtre de la Ville l’ont quitté en décembre avec un autre duo qui déjà explorait d’autres corporalités. Le courbe Galván se frottait alors aux lignes super droites de Marlene Monteiro Freitas.
Pour cet autre pas de deux, il retrouve le chanteur Niño de Elche avec qui il a souvent travaillé. Chacun dans leur domaine sont des chercheurs. De Elche explore ses cordes vocales autant que Galvan et ses pieds.
Il y a beaucoup de talent et beaucoup d’humour dans ce spectacle. Le danseur ouvre ce bal avec une énergie débordante et un rythme fou. Le chanteur s’essaie du plus baryton au plus soprano à livrer le plus finement possible le burlesque des paroles a palo seco.
Il est question de drame, de dieu, de femmes, de flamenco et de Séville, beaucoup ! Fandango cubista, Seguiríyias carbonicas, Sevillanas sentadas…les titres des chants donnent le La de ce spectacle où la liberté est totale. Attention, il ne faudrait pas confondre liberté et improvisation, tout n’est que maîtrise ultime, jusqu’au bout des doigts que Galván écarte comme un éventail.
Dans la droite ligne de la carrière du danseur et du chorégraphe, cette pièce se place entre la tradition et l’avant-garde. Galván a avalé, digéré et fait siens tous les pas possibles du flamenco, masculin et féminin. Les fentes de Galván, ses pirouettes, ses attitudes, sont toutes des prouesses faites avec un naturel lié à l’expérience.
Il déroule les castagnettes avec et sans castagnettes, et s’amuse à créer des embûches. Car oui, l’un des gros fondamentaux de Galván, c’est l’embûche. Les sols sont des acteurs, bruyants ou élégants.
Depuis quelques années, Galván s’intéresse au son électro-acoustique. Il augmente, sample et frappe. Il est le tempo du chanteur, le chanteur est le rythme du danseur. C’est un pas de deux à l’horizontale, à égalité.
Melizzo doble subjugue par ses prouesses, par sa technique tellement parfaite qu’elle semble futile. Il y a ce moment où la pièce plonge dans le noir et où le son devient danse, comme un vinyle qui scratche en bout de course sur sa platine.
Le chant comme la danse explorent d’autres chemins d’accès à la beauté tout en ne perdant jamais de vue le flamenco.
Informations pratiques :
Du 1er au 9 février au Théâtre de la Ville ( Paris). https://www.theatredelaville-paris.com/fr/spectacles/saison-2022-2023/danse/mellizo-doble
Photo : Mellizo Doble, Israel Galván, Niño de Elche, 2023 © Théâtre de la Ville.
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