“Over Dance”,  Angelin Preljocaj / Rachid Ouramdane always 17.

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Par Amélie Blaustein-Niddam.

On n’est pas sérieux quand on a un peu plus de 17 ans, semblent dire ces deux grands chorégraphes en réponse à la merveilleuse commande du FND/Aterballetto. Courrez à Chaillot voir ces deux bijoux : Un jour nouveau et Birthday party !

La soirée est partagée en deux. Elle commence avec une courte, mais intense pièce du directeur de Chaillot, Rachid Ouramdane. Un jour nouveau est un pas de deux entre Darryl E. Woods and Herma Vos. Ils sont tous les deux tout vêtus d’habits de lumières. Ils ont tous les deux dansé beaucoup, sur les scènes les plus prestigieuses, mais dans des domaines différents.

Darryl E. Woods est un danseur jazz (Alvin Alley) et contemporain (Platel), tandis que  Herma Vos vient du cabaret et de la chanson (Lido, Splendid..).

C’est un couple assez improbable qui se forme, une rencontre de deux mondes autour d’un geste : le chachacha. 

L’image est drôle et fascinante. Lui est éblouissant de souplesse et d’amplitude. Elle subjugue par son attitude.  À la façon d’une démonstration, ils déroulent : Pied gauche en avant, pied droit en arrière, chassé triple step vers la gauche, puis pied droit en arrière, pied gauche en avant, puis chassé triple step vers la droite jusqu’à que les choses s’inversent, ralentissent.

Ouramdane déploie le mouvement, le rend plus doux, plus lent. Dans la lumière enveloppante d’Eric Soyer, le pas de deux se fait autant nostalgique qu’amoureux. 

C’est un duo parfait à l’écriture précise.

Quelques minutes de battement plus tard, Birthday Party la pièce d’Angelin Preljocaj se met en place. Dès la première minute, c’est le coup de foudre.

Il aligne Mario Barzaghi, Sabina Cesaroni, Patricia Dedieu, Roberto Maria Macchi, Elli Medeiros, Thierry Parmentier, Marie-Thérèse Priou et Bruce Taylor au fond du plateau dans des tenues de fêtes à couper le souffle. Il y a des volumes, des paillettes… Les costumes d’Eleonora Peronetti sont de la haute couture. On pense à Comme des garçons en voyant ces formes de vêtements sous et surdimensionnés. 

La carrière d’Angelin Preljocaj est faite de grands écarts et il n’a plus rien à prouver. Il a à son actif plus de cinquante spectacles, dont deux Cours d’Honneur à Avignon, et des collaborations artistiques aussi vastes que la grammaire preljocajienne peut l’être. On aime ses spectacles à la folie et parfois beaucoup moins. À chacun son « Angelin ». Certains spectateurs sont dingues de ses spectacles contemporains, aux lignes pleines d’humour et d’autres préfèrent les pièces qui leur racontent une histoire. Nous l’adorons quand il ressert, “decourbe” et tire profit de raideurs. Pour cette pièce, compte tenu de l’âge des interprètes, entre 67 et 80 ans, il a nécessairement dû calmer le jeu en matière de portés lyriques et de dos néo-classiques.

La structure de la pièce est faite de tableaux qui permettent à chacun et chacune de se déployer. On fond sur la fluidité magistrale de Sabrina Cesaroni. Le trio masculin dominé par la puissance toute en légèreté de Thierry Parmentier est à inscrire au panthéon de la danse contemporaine.

Alors, tout n’est pas parfait. Dans les scènes à l’unisson, les différences dans le tempo sont visibles. Mais dès que Preljojac éclate le groupe, on touche à la perfection.  Il sait mieux que personne poser des corps sur scène comme des sculptures.  Et le mouvement qui nait de ces images est ici toujours subtil et bien pensé.

Ce que montre ces deux pièces, c’est que l’un des derniers grands tabous de notre société est en train de tomber. Oui, quand ils sont la chance d’être vivants, les plus de 60 ans ne comptent plus se cacher. En voyant ces deux propositions, ce qui frappe, c’est la qualité d’écriture, la précision de certains mouvements, le talent d’interprétation. Mais sérieusement, il n’est pas question porter leur âge comme un étendard. Ils et elles sont des super danseurs et danseuses dirigé.es par deux chorégraphes très précis.

Il n’y a que cela qui compte… et non pas le temps qui passe !

Informations pratiques : Au Théâtre National de la Danse-Chaillot jusqu’au 23 février.

Photographie © Patrick Cockpit.